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Profession : traductrice jeunesse, par Emmanuèle Sandron

jeudi 18 octobre 2018

Riches de toutes les écritures qu’elles représentent, la Scam et la SACD vous proposent des regards croisés entre des auteurs et des autrices. Pour multiplier les points de vue, confronter les idées, offrir des variations sur le thème du dossier. Ici, Emmanuèle Sandron partage son expérience de traductrice jeunesse.

 


« Je suis une découvreuse, une passeuse. Sans cesse sur mon radeau, je vais d’un univers à l’autre. Traduire pour la jeunesse, c’est retrouver la voix de l’enfant en moi. C’est aussi être écrivaine et... comédienne.

Une découvreuse...

Des éditeurs français et belges me font lire des livres, des auteurs m’envoient leurs dernières parutions, et je flâne en librairie à la recherche de la perle rare. J’aime les livres, et je veux les faire connaître. Au point que, en résidence d’écriture en Lettonie, j’ai décidé d’apprendre le letton pour traduire les magnifiques albums que je découvrais là-bas.

Une passeuse...

Quand un livre me paraît important, je fais l’impossible pour lui trouver un éditeur. J’ai découvert Toen mijn vader een struik was, de Joke van Leeuwen, avant que n’explose la crise des migrants. Il m’a fallu trois ans pour convaincre Alice Jeunesse d’en acquérir les droits et de m’en confier la traduction. Depuis, Quand c’était la guerre et que je ne connaissais pas le monde bénéficie d’un bel accueil dans les écoles et en librairie et a été sélectionné pour le prix La Petite Fureur.

Une enfant...

Je traduis ce que l’enfant en moi demande à lire. Ainsi, L’Arche part à huit heures, de l’auteur allemand Ulrich Hub : j’ai été tellement enthousiasmée que je l’ai lu d’une traite le soir même de sa réception. Le lendemain, j’appelais l’éditeur pour lui dire que j’acceptais de le traduire séance tenante. C’était un livre qui parlait directement à l’enfant en moi... ce qui ne suffit pas, bien sûr. Parce que cette enfant, je dois la faire « parler à l’écrit » avec naturel, ce qui est aussi difficile que d’écrire des dialogues qui sonnent juste pour le théâtre.

Une écrivaine...

Traduire, c’est recréer des univers et travailler à mains nues ce matériau noble et délicat : sa langue maternelle. Parfois, il faut transformer les
toponymes et les noms des personnages, comme ce fut le cas quand j’ai traduit The Kneebone Boy, qui est devenu Torsepied (Alice J.). Les Hardscrabbles, alias les enfants Cherchemidi, y vivent de folles aventures à Snoring-by-the-sea, ou plutôt Somnol-sur-Mer...

Le travail de la langue, c’est aussi traduire des chansons ou des poèmes qui riment aussi bien en français que dans l’original, inventer de nouveaux proverbes, trouver des jeux de mots hilarants... Et surtout, phrase après phrase, chapitre après chapitre, écrire dans une langue qui corresponde à celle de l’auteur original, en recréant les mêmes effets sur le lecteur, donc, selon le cas, classique, poétique ou loufoque... mais toujours fidèle ET toujours mienne — comme chaque comédienne ne peut jouer que sa Mouette de Tchekhov et la sienne seulement —, et toujours inspirée. »


L'autrice

Emmanuèle Sandron est autrice et traductrice littéraire depuis une vingtaine d’années. Elle vit à Bruxelles. Elle a traduit près de 80 titres (néerlandais, anglais, allemands), dont une bonne moitié en littérature jeunesse.
Parmi ses dernières traductions en jeunesse : Dans la nuit de New York, Anna Woltz, chez Bayard et Torsepied, Ellen Potter, chez Alice Jeunesse


Pour aller plus loin

Voir l'ensemble du Magazine des Auteurs et des Autrices #3, consacré à la création jeunesse.

Profession : traductrice jeunesse, par Emmanuèle Sandron