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Coronavirus : "Fauchés !", une tribune de Frédéric Young

jeudi 16 avril 2020

Suite aux dernières annonces des pouvoirs publics et des opérateurs culturels face à la crise sanitaire, Frédéric Young, délégué général de la SACD en Belgique, fait le point. 

 

« Voilà les festivals fauchés, et les spectacles d’étés qui sont parfois l’essentiel de la saison entière pour certains, notamment dans le Cirque et la Rue. Voire leur raison d’être.
Fauchés, après qu’ont succombé les représentations et activités culturelles des mois de mars, d’avril et de mai, nous le redoutions.
Annulé tout cela, la fierté et le gagne-pain (au sens littéral) de milliers d’artisans de toutes nos professions, sans beaucoup d’égard dans la communication maladroite d’un gouvernement fédéral exténué.

Ce qui démontre une fois de plus l’immense dérive des niveaux de pouvoirs les uns par rapports aux autres, comme de grands continents qui s’éparpillent sans grande logique perceptible, sans que personne n’y puisse rien pour l’instant. Et les secteurs de la culture, comme d’autres secteurs, déchirés par ces mouvements centrifuges, se comparent bien inutilement, mais parfois avec humour (cf le gros maillet de Michaël Delaunoy*), au secteur du bricolage.
Bricolages, il faut le reconnaître, nous en sommes tous et toutes un peu réduit à cela. À nous adapter de semaine en semaine dans l’incertitude. A compter sur les fantômes, comme nos amis du KunstenFestivalDesArts.

Bien sûr, nous attendons des pouvoirs publics qui ont du personnel et des budgets, des expert·e·s, qu’ils placent des balises claires quant aux objectifs, et élaborent – en concertation réelle avec les fédérations professionnelles – des mesures de soutien immédiates et efficaces (à vérifier sur le terrain), mais aussi des méthodologies pour avoir des plans de reconstruction pertinents après que la terre aura cesser de trembler.
La chose semble être entamée dans le secteur du livre, il faudra le faire aussi en arts de la scène et en audiovisuel/cinéma. Ce sont des secteurs bien organisés par leurs fédérations, mais peu entraînés au travail interprofessionnel.

Je dois dire que nous rencontrons dans de nombreux cabinets ministériels et partis politiques un vraie écoute et un appel à propositions. Nous y travaillons à la SACD et à la Scam avec une énergie parfois un peu désespérée mais redoublée, croyez-moi, tout en poursuivant notre travail de base de gestion des droits et en proposant des aides ciblées pour toutes les catégories de nos membres.

Je dois dire aussi qu’il est insupportable de constater que l’absence de politique artistique depuis 20 ans, pire la politique du refoulement par la FWB hors de ses budgets des charges de personnels artistiques vers l’ONEM et vers le tax-shelter (les budgets fédéraux) laisse les plus précaires isolé·e·s, dépendant·e·s au mieux du bon vouloir des directions des institutions et pouvoirs locaux, dépendant·e·s des CPAS au pire (il paraît qu’il faut parler des CPAS comme de tremplins pour rebondir).

Voilà les Festivals et les spectacles d’été fauchés.
Voilà Avignon privé des spectacles belges.
Voilà les Centres culturels belges privés de spectacles français.
Voilà les tournages annulés ou déplacés.
Voilà la vente et le prêt de livres numériques qui bondissent, et les livres papiers poussés vers le pilon ou le vide pour les projets qui ne se feront plus jamais.
Voilà le champ culturel que nous devons ensemble reconstruire, avec des pouvoirs publics qui décideront des moyens et des méthodes collectives et démocratiques pour le faire.
Ou qui devront laisser la place à d’autres plus empathiques, efficaces, audacieux, visionnaires. »

 

Frédéric Young, délégué général de la Scam et de la SACD en Belgique

 

Voir toutes nos actions à propos de la crise sanitaire.

 

* Dans une publication Facebook suite à l'annonce de la réouverture des magasins de bricolage et au relatif silence à propos du secteur culturel.

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