Skip to main content

"On peut aussi être poétiques ce matin" : retour sur le petit déjeuner des poètes au Poetik Bazar

vendredi 9 décembre 2022

Le 25 septembre dernier se tenait le troisième petit-déjeuner des poètes, qui réunissait une tablée d'auteurs et autrices lors du Poetik Bazar. Pour garder une trace un peu plus vivante qu'un compte-rendu des échanges passionnants qui ont eu lieu, nous avons demandé à Lisette Lombé d'en proposer une restitution sous forme de texte poétique, magnifiquement mis en image par Leyla Cabaux. Bonne découverte !

 


Découvrir la restitution en images, par Leyla Cabaux

 

Troisième petit-déjeuner poétique. Invitation à évoquer les difficultés des différents secteurs, les richesses, les enjeux, les idées de combats à mener. L’année passée, conditions de travail au cœur des discussions. Avancée : la charte de la Scam des prestations des auteurs et des autrices. En finir avec les prestations non rémunérées. Autre promesse. Marché de la poésie. Bruxelles. Sète. C’est beaucoup d’énergie, c’est fragile aussi. Et à chaque fois, on se demande est-ce qu’il y aura une prochaine fois, est-ce que ça en vaut la peine ? Troisième petit-déjeuner poétique. Moment informel et formel. Compte-rendu. Traces. Dialogue entre mots et illustrations. Tour de table. Tour de cercle. Comment on se sent aujourd’hui ? Paillette pleine de gin tonic. Escargot funambule sur une ligne à haute tension. Dans un nuage. Ennuyé. Petit garçon dans une classe, timide. Livre rempli de mots/maux. Moineau. Tigre au bord du deuil. Mi-panthère, mi-koala. Quelqu’un qui a pédalé pendant vingt minutes, au soleil, dans un beau jour d’automne, vers un café et un croissant, vers l’écoute d’autres gens. On peut aussi être poétiques ce matin. Pas d’ordre du jour. Deuxième tour de cercle. Prénoms. Attentes. Questions qui taraudent. Questions qui obsèdent. Constats. Trois minutes par personne. Trois minutes, c’est le temps d’un slam. Quand on se veut poète, on doit se confronter à un public. Ce n’est pas qu’écrire dans son coin. Poète torturé. Poésie du dix-neuvième siècle. La place des poètes aujourd’hui, quand on n’est pas connu, est nulle. C’est difficile de se faire connaître et d’être lu. Qui achète de la poésie, aujourd’hui ? Inflation de gens qui écrivent. On peut être poète sans être écrivain. On doit inventer des métiers à géométrie variable. Equilibre à trouver entre collaborer et trouver sa place. Importance de tisser des toiles d’araignées. Qu’il y ait plus de poètes ! Pourquoi on n’arrive pas à être plus nombreuses, nombreux pour échanger ? Idée. Peut-être des déjeuners intermédiaires en cours d’année ? Trois minutes par personne. Trois minutes, c’est le temps d’une bobine d’un film super 8. On peut écrire sans les mots, avec les images. Comment faire pour qu’on ne soit pas notre propre public ? En cercle autour de rien, d’une non-table. Sortir d’une certaine solitude. Est-ce qu’on a besoin d’être défini ? Désir, nécessité d’adresser, de s’adresser. Quelque chose d’universel. Pas qu’une question de reconnaissance. Michaux a écrit que la seule intention de faire un poème suffit à l’écrire. La poésie est un idéal, un absolu. 17 ans. Besoin de cette dimension verticale. Dès que j’entends Marché de la poésie, j’ai envie de sortir ma kalachnikov. Kurt Cobain a écrit des fulgurances qui ont aidé les gens à survivre. 17 ans. Préserver la pureté, le précieux. Quelque chose de vital, quelque chose qui touche à l’honnêteté. Un espace un peu sacré. On ne va pas faire le charlatan à cet endroit-là ! Que tout le monde écrive de la poésie, que ça devienne vital pour tout le monde, l’essentiel est là. Attention aux clivages, aux risques de l’affrontement ! Le responsable de festival n’est pas l’ennemi. C’est une lutte d’années et d’années pour chercher les moyens de faire. Il ne s’agit pas d’opposer les uns aux autres. Clarifier les questions sociales et fiscales. On sort de ces deux années un peu rincés. Peut-être faire un peu moins de choses. On doit avancer ensemble. Manque de solidarité, de transparence. Impression qu’il y a des chapelles. Impression que c’est chacun pour soi, que chacun tire la couverture à soi. Sept opérateurs francophones et deux néerlandophones s’associent pour créer un événement bilingue de trois jours, le Poetik Bazar. On essaye d’être le plus collectif possible. Chaque opérateur.ice souffre de comment la presse parle de son événement. Ce n’est pas facile qu’on parle de nous. Qu’est-ce qu’on peut faire pour s’améliorer ? Comment ne pas être dans une logique capitaliste ? Comment on fait pour coexister avec des casquettes mixtes ? On est tous et toutes passionné.e.s de poésie. Pour prendre sa place, c’est un peu comme un combat. C’est très difficile d’être édité. L’auto-édition revient en force et devient un sujet en soi. Le métier d’éditeur.ice est un métier d’accompagnement, de compagnonnage, de relecture, de choix qui fait qu’on arrive à un objet-livre. Quelle relation on souhaite ? C’est comme une psy qui permet de se déplacer, c’est quelqu’un en face à qui je fais confiance et qui me relance, me repositionne. La question du regard extérieur est fondamentale. Idée : petit-déjeuner entre auteur.e.s et éditeur.ice.s pour comprendre ce qu’on vit des deux côtés. Par rapport à il y a plusieurs années, on est mieux soutenu.e.s. Subsiste un énorme mythe sur ce que c’est que d’être publié, d’être connu. Publier des dizaines de bouquins ne te rend pas riche et célèbre. Dans les belles améliorations, on reçoit désormais un avis motivé quand on rentre des demandes de bourse, des appels à projets. On peut avoir plusieurs casquettes et ne toujours pas gagner sa vie. S’il y a un endroit où on est utiles, ce sont les ateliers. Pédagogues. Marcher avec. Il faut beaucoup de générosité. Ecrire, c’est un métier âpre, avec de la concurrence. Travailler sur le temps long, avec des ressacs, des replis. Se poser des questions sur l’ego, la jalousie, la frustration, son rapport à l’argent, à la reconnaissance. Un livre qui sort sans diffusion, c’est comme un enfant mort-né. Une référence : L’art est une résistance. Avec des questions de territoires, d’ombre et de lumière. Pour l’administration, avec le statut d’artiste, on reste sans profession. C’est un métier. C’est un travail. Nous sommes comme des ébénistes ou des mécaniciens. Qu’est-ce qu’on projette ? Fantasme sur le fait d’être édité en France. Or, on a tout ce qu’il faut en Belgique ! Il y a un prix à payer pour tout. Quelles sont les valeurs de certains lieux ? La réalité, c’est que je ne passerais pas avec la tronche que j’ai chez Gallimard. On n’a pas toutes et tous la même force de travail. C’est aussi parce que des acteurs littéraires, en Belgique, ont choisi de décloisonner les genres que des autrices peuvent être publiées plus facilement. Les parcours sont inspirants. Le roman, lui, on ne lui laisse plus le temps, à peine trois mois. Depuis dix ans, les cadences sont infernales. Le système basique de la chaîne ordinaire ne donne pas le temps de vieillir. Paradoxalement, aujourd’hui, la poésie gagne sur le temps. Déconstruire les idées reçues. L’agent littéraire est là pour protéger l’auteur.e. L’attaché.e de presse coûte aux maisons d’édition. Métier peu connu, il en manque. Pourquoi si peu de littérature belge en classe de français ? Pourquoi faut-il un passage par la France pour être lu en Belgique ? Lisez-vous le belge ? Un métier de nantis ? Renouveau. Des écritures. Passages à l’oralité et inversement. Nouveau profil d’auteur.e.s qui s’auto-promeuvent, utilisent d’autres codes, notamment ceux de la musique. Une génération dans le reclaim, dans la réappropriation de soi. Faire reconnaître la valeur de son travail financièrement et pas que symboliquement. Je suis là et j’existe. Cette puissance-là, c’est la génération des jeunes autrices d’aujourd’hui qui nous la donne. Tout ça remonte vers nous. Cascade inversée. Explosion des collectifs. Idée : une rencontre sur des collectifs, intergénérationnels, se serait beau. Idée : soutenir des ateliers d’écriture pour des auteur.ice.s. Une question d’état d’esprit. On monte ensemble. Midis de la Poésie. Ensemble.

Lisette Lombé

Pour aller plus loin

. Voir la restitution mise en images par Leyla Cabaux

. Visiter le site internet de Lisette Lombé, La vie, la poésie, la suivre sur facebook ou sur instagram

. Admirer la page instagram de Leyla Cabaux et un aperçu de ses travaux

. Voir le site du Poétik Bazar, dont la prochaine édition se tiendra aux Halles de Schaerbeek. A vos agendas !

"On peut aussi être poétiques ce matin" : retour sur le petit déjeuner des poètes au Poetik Bazar