Max de Radiguès : « Je pars d’une envie, pas d’une histoire complète »
À l’occasion de la Foire du livre de Bruxelles (13 mars au 16 mars 2025), nous avons eu le plaisir d’interviewer Max de Radiguès, auteur de bande dessinée. Dans cet entretien passionnant mené par Cécile Berthaud, il nous raconte son parcours et nous dévoile les multiples facettes de son travail.
Max de Radiguès : « Je pars d’une envie, pas d’une histoire complète »
Il commence ses projets sans savoir précisément où il va aller. Si cela deviendra une BD ou pas, si elle fera 40 ou 200 pages. Avec le temps, le bédéiste a appris à se faire confiance. Même si le doute reste toujours tapi dans un petit coin.
Avec ses quatre casquettes professionnelles, Max de Radiguès est au four et au moulin. En ce lundi de mars qui précède la Foire du Livre de Bruxelles, il a donné cours toute la journée, ses deux enfants sont malades, et pourtant il ôte tranquillement sa chasuble multicolore de cycliste et est tout entier là pour cette interview de fin de journée. C’est l’auteur de bande dessinée que nous rencontrons, si toutefois il est possible de distinguer le professeur à Saint-Luc, le directeur de collection chez Sarbacane et l’éditeur à L’Employé du Moi où il a son atelier de dessinateur.
« Je suis un peu accro au fait de bosser. Ce n’est pas toujours évident de réserver du temps à la création, mais j’ai besoin de dessiner et les quelques moments où je peux me consacrer au dessin, je suis assez efficace. Mes différents métiers sont tous dans la bande dessinée et se fécondent les uns les autres. Et puis, il y a aussi une réalité financière. Avant, je n’étais que bédéiste, j’acceptais plein d’interventions en classe, ce qui est chronophage, et plein de commandes que tu fais sans envie, pour l’argent mais qui, au final, te prennent quand même de l’énergie mentale. Aujourd’hui, je ne fais plus que du dessin que j’ai envie de faire », explique le quadragénaire.
La méthode fanzine
Et comme il a envie de le faire, pourrait-on ajouter. En général, pour ses projets personnels, il commence par prépublier en fanzine, sans avoir une idée précise de l’ensemble du récit. « Je pars d’une envie, pas d’une histoire complète. J’ai toujours plein d’envies en tête et je les laisse un peu flotter, je les trimballe. Et puis, pour une raison X, c’est le moment de faire celle-ci ou celle-là. Pour Dix secondes [son tout dernier livre paru en mars 2025 chez Casterman, ndlr], c’est lié à mon adolescence, sans que ce soit autobiographique. Mon adolescence me paraissait assez gentille. Et quand je suis arrivé à Bruxelles, je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout la même que celle des Bruxellois. J’ai eu envie de parler de ça, d’ennui, de campagne et de cette espèce de déglingue. J’ai dessiné 20 pages que j’ai mises en fanzine et que j’ai vendu. Et j’ai ajouté des fanzines jusqu’à ce qu’à un moment ça me semble tenir. Mais jusqu’à 50-70 pages, j’avançais sans savoir précisément quel était mon récit. J’avais l’idée d’une fin brutale, mais pas toute l'histoire jusqu’à la fin », détaille l’auteur qui a grandi à Rixensart.
Doute et persévérance
Quand il l’envoie à Casterman – son éditeur pour ses BD adulte, pour la jeunesse, il est chez Sarbacane – il se demande « à qui je parle avec ce bouquin ? Il ne se passe rien dans Dix secondes. Je le vois bien, je suis éditeur…». Et le livre a beau être là, sur la table entre nous, les doutes ne semblent pas complètement évanouis.
Alors comment fait-on pour concilier doute et persévérance ? « Il faut arriver à se faire confiance. Dans la BD, à force d’en faire on comprend le langage. Et aussi avoir confiance dans le fait que ça va quand même raconter quelque chose, que ce qu’on a envie de dire va aller quelque part, va toucher quelqu’un », éclaire Max de Radiguès. Son motto, c’est de lâcher les dessins, d’abandonner l’idée de la perfection. « On a tendance à croire que nos histoires sont nos bébés. Mais il faut laisser aller, accepter les erreurs. On fera mieux la prochaine fois. Il ne faut pas faire de la BD pour soi, mais de la BD qui arrive quelque part », résume-t-il.
Et de rappeler qu’il y a plein de manières d’en faire, qu’il y a toutes sortes de maisons d’édition. Lui qui a sué des soirées et des nuits pendant ses études à Saint-Luc pour « faire de la BD pour les profs », à la gouache, a trouvé sa porte d’entrée dans le milieu par le fanzine. Il en faisait un par semaine, est allé voir les gens de L'Employé du moi plusieurs fois au cours de ses études « pour ne pas avoir que l’avis des profs et des étudiant·es ». Et quand une place s’est libérée, c’est à lui qu'ils l’ont proposée. « Il faut montrer ce qu’on fait, envoyer son travail à des gens qu’on ne connaît pas. La BD, c’est un métier super dur, mais la chance c’est que c’est un milieu assez ouvert, de gauche, queer… Il ne faut pas hésiter à contacter les autres auteurs, autrices. Et à travailler en atelier car travailler seul avec d’autres, c’est plus facile », dit-il dans un sourire.
Le déclic originel
Lui qui a « raté l’entrée à La Cambre, raté l’entrée à Saint-Luc » a pu rallier le cursus BD de cette dernière « avec un niveau assez faible » grâce à une année préparatoire qui existait à l’époque. Enfant et ado, il était un gros lecteur de BD et il a toujours aimé dessiner. Le basculement se produit en fin de secondaire quand la petite amie de son frère amène Shenzhen de Guy Delisle chez eux. « C’était très différent de ce que je lisais, la fantasy, la science-fiction. Là, c’était un dessin plus simple et ça parlait de la vie quotidienne. Autant je ne me voyais pas faire des dessins de princesses et d'épées, autant ça, oui ! », raconte Max de Radiguès.
Et puis persévérance, travail, rencontres ont fait le reste. Sans oublier l’envie.
Propos recueillis par Cécile Berthaud
Pour aller plus loin
- Découvrez le site internet de l'auteur
- En savoir plus sur Dix secondes, la nouvelle BD de Max de Radiguès qui sort ce mercredi 12 mars en librairie
- Retrouvez toutes les dédicaces et interventions de l'auteur à la Foire du Livre de Bruxelles 2025
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